La FFTT relève-t-elle du droit public ou du droit privé ?

Résumé de l’affaire :

Pour ceux qui n’auraient pas suivi les imbroglios internes récents dans la gouvernance de la FFTT, en voici un petit résumé :

Lors de l’Assemblée générale du 9 Décembre 2017, la présentation des comptes préparée par Guy Letrot a donné lieux à de nombreuses discussions. La fédération avait présenté un budget en 2 parties:

  • Une première partie sur la gestion courante de la FFTT.
  • Une seconde partie sur la gestion d’un événement exceptionnel en préparation, à savoir la coupe du monde de tennis de table qui se déroulera à Disneyland Paris du 19 au 21 Octobre 2018.

Au final, l’AG a préféré voter un seul budget consolidé regroupant les 2 parties. Ce budget est passé à la majorité mais il est vrai qu’un certain flottement a pu être ressenti dans l’assemblée lors de cette séquence de l’Assemblée Générale.

Lors du Conseil fédéral du 6 Janvier 2018 (dont le PV est en lien), on apprenait que, “s’appuyant sur l’article 21.2 du règlement intérieur Le Président a remis une nouvelle lettre de mission à Guy” Letrot, le privant ainsi de ses missions aux finances de la FFTT. Pour mémoire, Guy Letrot était alors vice président en charge des finances, membre du bureau exécutif de la FFTT.

Fin Février, à quelques jours des championnats de France seniors de Tennis de Table, Guy Letrot fait savoir à l’ensemble de la communauté pongiste qu’il n’est pas en accord avec la décision prise par le président de l’évincer de ses missions financières et diffuse assez largement une série de documents venant contredire la présentation des faits par le président.

Au Bureau exécutif du  9 Mars 2018, le président C. Palierne indique dans son compte rendu du “Championnat de France à Rouen” que des allégations mensongères ont été portées par plusieurs membres du comité fédéral et nomme précisément Guy Letrot et Jean René Chevalier (autre vice président de la FFTT membre du bureau exécutif) en indiquant : “Pour conclure et au vu des agissements de certains membres, le Président demande à Jean René Chevalier et à Guy Letrot de réfléchir à leur avenir et leur propose de démissionner du Conseil fédéral.

Les 2 protagonistes refusant visiblement de démissionner, le président propose au  Conseil fédéral du 6 Avril 2018 une modification de la composition du Bureau exécutif. Cette possibilité n’étant pas présente dans les statuts de la FFTT, le président se base sur le principe juridique de droit public du parallélisme des formes.

le parallélisme des formes est une notion de droit public qui se résume comme suit : “tout ce qui a été mis en place par une instance, peut être défait ou modifié par la même instance”. Les membres du Bureau exécutif sont élus lors de la première réunion du mandat par l’ensemble du Conseil fédéral, le Conseil fédéral pourrait donc, selon le principe de parallélisme des formes, mettre fin à ces mandats. Cette notion n’existe pas en droit privé qui ne reconnait que les contrats et les statuts pour prendre une décision.

Droit public ou droit privé ?

Outre l’instabilité que peut introduire ce type d’interprétation, le Conseil fédéral pouvant à n’importe quelle réunion procéder à la révocation d’un membre ou d’une mission qu’il aurait mis en place, ce principe du droit public peut-il s’appliquer en l’état à la situation présente?  Il s’agit d’une vrai question de droit car les fédérations sont des organismes privés (association au sens de la loi e 1901 soumis alors au droit des contrats ) mais ayant une délégation de service publique par le ministère chargé des sports (article L.131-14 du code du sport). Dans les missions déléguées par le ministère, les fédérations sportives  agissent pour la puissance publique et obéissent de fait aux règles du droit public.

Dans l’affaire qui oppose ici des co-listiers de 2017, le président de la FFTT et 2 de ses principaux lieutenants, 2 (ex?) vices – présidents, est-on en droit public ou en droit privé ? Le principe du parallélisme des formes spécifique au droit public est il applicable ?

Les arguments fusent entre les opposants, les un spécifiant que les statuts n’ont pas été respectés, les autres argumentant qu’un avocat a été consulté et que la procédure est valide.

Une première chose est à remarquer: l’affaire n’est pas tranchée. En effet si un avocat a un devoir de conseils auprès de ses clients, il ne dit pas le droit : C’est l’apanage du juge et certaines personnes à la fédération devraient apprendre de quelques procédures récentes perdues que la consultation d’un avocat ne garantit pas la victoire de son interprétation du droit.

Pour l’affaire qui nous occupe, quelques procédures montrent la tendance actuelle en terme de droit applicable en fonction des circonstances : Le grand principe qui ressort est de savoir si l’affaire qui oppose les protagonistes est dans le périmètre de la délégation du ministère des sports ou non.

Quelle est la délégation du ministère ?

Une fédération par discipline reçoit délégation du ministre chargé des sports pour organiser les compétitions sportives à l’issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux et procéder aux sélections correspondantes (art 17 de la loi du 16 juillet 1984 modifiée par la loi du 6 juillet 2000).

Cette délégation accordée aux fédérations unisports leur confie l’exécution de missions de service public et leur confère des prérogatives de puissance publique

La délégation confère aux fédérations le monopole sur l’organisation des compétitions officielles et sur la délivrance des titres. Ainsi toute manifestation sportive ne peut être organisée sans l’agrément fédéral de la fédération concernée.

Mais cela s’arrête là…

La tendance actuelle du droit…

Un très bon article de Ellipse AVOCATS  résume parfaitement la situation.

Il y a ainsi deux natures possibles aux décisions prises par les fédérations sportives délégataires. La frontière entre les décisions des fédérations relevant d’un cadre de droit privé et celles relevant d’un cadre de droit public est parfois peu aisée à distinguer.

Dans l’article Ellipse AVOCATS, vous retrouverez une situation parfaitement similaire à la situation actuelle au sein de la FFTT jugée par la Cour d’appel de Paris le 1 Avril 2015 (CA. Paris 1er avril 2015 – Pôle 2, Chambre 1 – 13/09210). Il ne s’agissait pas de comportement de nature à nuire à l’activité, mais de bataille concernant les listes d’électeurs d’une AG élective dans une fédération délégataire.

L’association membre soutenait que la décision contestée concernait des élections internes et par conséquent, que la question qui se posait était uniquement celle du respect ou non par la fédération de ses propres statuts, ces derniers ne relevant que d’un cadre contractuel.

Les juges ont à cet effet estimé que la décision du conseil d’administration dont l’annulation est sollicitée, en l’occurrence une exclusion des délégués d’une association membre lors d’une assemblée générale, ne porte sur aucun chef spécifique de compétences attribuées par la loi à une fédération et pour lesquelles elle exercerait des prérogatives de puissance publique.

Les magistrats en ont conclu que le litige devait être tranché au fond sur la base des statuts de la fédération, ces derniers définissant les modalités de détermination de la composition de l’assemblée générale. Ces statuts étant des actes de droit privé, le litige résultant de leur bonne ou mauvaise application relevait de la compétence des juridictions judiciaires.

Au vu de cet éclairage, il n’est pas sûr que le Conseil fédéral ait été dans son droit d’évincer du bureau 2 de ses membres. Une fois de plus, il ne nous appartient pas non plus de trancher. Il serait sans aucun doute intéressant d’avoir l’avis d’un juge sur ce sujet…